lundi 23 avril 2007

A ton absence



Ô mon amour, ô douloureux vertige.

Insomnies.
Tes yeux comme deux étoiles planantes, tes yeux comme des promesses.

Mes sourires s'évaporent, à peine levée, je les vois se fondre dans le
cristal de l'aube diaphane.
A l'aurore, je m'assoupis enfin, distillant dans mon rêve l'infini espoir.
Te revoir.

L'amour me colle, m'encendre. Je me consume de solitude, et les petits
matins viennent mourir en contrebas de mon lit vide.

Mes paupières assombrissent mon regard océan, celui dans lequel tu venais te
couler, avant.
Lourdes et fanées, elles pèsent leur fardeau de chair et je joue à
l'aveugle.

Mais je ne dis rien.

Ce sont mes mots de papier qui s'affligent, ma plume trempée de brume qui
fait couler la tristesse.
Ô, douloureux vertige!

Le souvenir s'ébruite au creux de mon oreille, je palpe le manque, le
silence. Ton amour fut ma sève.
Ma sève.


C'est ma main qui frémit, c'est mon coeur que tu as dédaigné.
Quelle extase t'a transpercée, quel oubli a revêtu ton choix? Pourquoi me
quitter, pourquoi cet envol?

Je pose des lignes de mousseline, des volants vaporeux enveloppent ma prose,
et je te chante, je te murmure.
Je ne porterais pas de noir.

Des dentelles. C'est ma fragilité que tu exposes au vent.

Je dépose des boîtes, des vestiges. Un déversoir, où fredonnent les amours
blessées.

Nous étions les passeurs, des rires et des ivresses. Mais seule sur mon
cumulus crevé, à présent je fraude pour continuer, pour m'égrener en
errances et en coups de poing. Pour rester debout, vaillante.

Je ne veux pas que tu me manques. Je ne peux respirer chaque matin cette
âcre odeur de petite mort qui prolonge ton indicible départ. J'étouffe,
j'étouffe ici.

Regarde celle que tu poignardes, en désirant partir. C'est moi qui meurs,
qui meurs à chaque seconde enfilée sur la ligne du temps.

Caresse moi, encore, cette fois je te supplie. Touche mon visage, avale mes
soupirs, étreint moi sans dire maux.

Plus de volupté, indolente et farouche elle me quitte pour revêtir de
douceurs d'autres gamines au coeurs ployés.

Et mes baisers se perdent, volent et se brisent.

Les vases vides des fleurs de ton amour me dévisagent, plus une rose pour
aspirer le ciel, plus une rose pour bourgeonner en ode aux sentiments.

Plus un mot sur les choses, plus de sens. Je deviens cette transparence, ce
pâle reflet qui penche le coeur, s'épenche en langueur.

Oui, je vais me sentir seule, flottante, oui je crains la dérive, puisque
nul îlot ne pourra accueillir mes détresses, mes abandons.

Mal de toi, valise désertée.

Je caresse les courbes de l'oreiller, navigue sous tes draps, respire le
parfum amer de ton absence. Fragrance de mélancolie, qui se dépose sur mon
cou, comme une morsure imprégnée de souvenir.

Au bord de notre lit je contemple les vides, aux abord de notre lit comme
d'un précipice, au fond je vois ce trou béant, les vacarmes assourdis de mes
douleurs, et les chagrins insolants.

Mais je vais bien.
Ne t'en fais pas.

Des mirages, des figures.
Je tatonne dans mes obscurités. Je dessine sans foi la colline de ta bouche,
le printemps nuageux de tes regards, et j'embrasse dans mes bras ouverts des
kilomètres d'air.
Mes mains n'enserrent que ta disparition, vague tragédie sans cesse rejouée,
sans cesse niée.

De la poussière. Tout redevient poussière.

Je ne comprendrais pas ce geste, cette lame qui m'a trahie. Je n'avais pas
besoin de grandeur, de courage. Tu touchais déjà le ciel, pourquoi voler
plus haut?

Je te voulais juste à mes cotés, je te voulais juste toi.


Ce sont les mots que je jette sur la page, comme tu as jetté la lame sur ton
coeur.

J'étais pleine de l'ivresse étonnée, incrédule devant ta main qui tenait le
fer, s'approchait de ta poitrine nue.
Je regardais, immobile, confiante.

Elle ne peut te blesser, toi, je l'imagine se faire douce sur ta peau, se
faire caresse, murmure. S'évader. T'esquiver. Elle ne peut te faire de mal.

Mais le couteau pénètre, et la lame déchire et le sang tourbillone.
Au ralenti tu glisses, tu danses, tu tombes.
Et tu demandes pardon, laisses ce mot me couvrir, prendre enfin du sens, me
foudroyer.

Alors je te regarde, et enfin je comprends.
Mais c'est trop tard, et je n'ai pas bougé.
Je te regarde, je te vois.
Et la vie t'abandonne, et la vie s'éloigne.

Il n'y a plus que moi. Plus que moi.

Les mots en refrain viennent cogner mes tempes. Et refusant d'y croire, je
porte à ma bouche mes mains agitées, tremblantes, inquiètes.

Je suis tombée à genoux, ma chute suivant la tienne.
Tu as le sourire des enfants innocents, tu as le sourire un peu triste mais
si beau.

Tu resplendis de vie, et devant cette folle erreur, la terre vient à
vaciller.

C'était hier et c'est maintenant.

J'ai pressé ton corps sur mon coeur, j'ai gouté ton sang de mes lèvres.
L'empreinte brulante de ton départ dessine le chagrin sur ma bouche, à
jamais ce pli de douleur, à jamais l'encre carmin.

Ô mon amour, ô douloureux vertige.

Mais je suis là, des tempètes, des ouragans. Je suis debout. Au loin des
nouveaux mondes, mais le mien s'est fâné, et ses pétales flétris m'empêchent
de respirer.

Je ne vais pas pleurer, je ne vais pas tomber. Je serais funambule, sans
cesser de t'aimer, je serais funambule, même si tout est perdu, même si j'ai
mal de vivre.

Ma poitrine est cousue de milliers d'ecchymoses, et mon coeur est un bleu où
voyage la douleur.
Mais je suis là.

Je ne vais pas vaciller, non, je ne tomberais pas. Non, mon ange, je ne peux
te rejoindre. Pas maintenant.

Pardonne moi.

Ô, mon amour.

1 commentaire:

Lise a dit…

Photographie d'Anne.
[http://ahurie.blogspot.com/]