samedi 14 avril 2007

Ruelles intérieures

On court sur les pavés, la nuit a encore englouti notre monde, et on attrape les ruelles en frappant le talon. Ma jupe se soulève et tu me tiens la main.

J'ai le coeur qui flotte, et puis le tien sous le voile.

Le souffle court, la montée des Epis qui semble s'allonger sous nos pas, et enfin, la porte, quelques marches, et lui qui vient nous ouvrir.

Brèves de sourire, paroles sur vos lèvres, je vous quitte pour mon voyage tranquille, visite peut être surannée, mais légère, et profonde, enchantée.

J'aime cette maison.

Nénuphars d'eau qui fleurissent sur le plâtre des murs. Les parois s'effritent, mais le ciel est déjà à l'intérieur.

Des visages, encadrés dans le souvenir. Des fils d'enfance qui s'entremêlent, ce jour-là qui ne veut se laisser oublier.

Le miroir qui s'incline, mon regard fatigué qui me fuit pour s'exasier ailleurs.

Des livres qui s'entassent, des mots empilés, pages lues, frôlées, avalées dans des crépuscules lunaires, des nuits blanches qui nous retiennent dans les tréfonds merveilleux de nos lectures.

Une lampe en galet, je ne comprends pas, mais la mer s'invite en catimini dans ma visite, et j'y plonge avec délice.

Des fauteuils au velour fleuri de boutons grenat, on devine leur caresse, et puis un ours en peluche qui n'a pas grandit, attendant les bras d'un môme pour recueillir sa tendresse de fourrure.

Une voix d'ailleurs, comme un peu de soul dans ma nuit... des accents ennivrants, jaillis de la petite radio.
Sous l'interrupteur, lumière et musique s'allient, mon doigt juste là et le film défile, je me sens transportée, si peu c'est vrai, et pourtant tout un monde.
Ce soir derrière le rideau blanc, drap de fortune, c'est le spectacle des moments de vie que l'on préserve qui vient de commencer.

L'art batifole sur les toiles, oui c'est de la gaité qui irise ces tableaux, couleurs pastels, et mon regard ne peut s'en détacher, et je coule dans la matière, je m'y glisse, je m'y fonds.

Le piano sommeille en attendant vos caresses, n'aspirant qu'à vos doigtés agiles pour cascader en ses touches d'ivoire, et la musique vient fredonner au creux de mon oreille, je rêve aux sonates délaissées, qui renaîtront bientôt...

Je voudrais raconter la cuisine et son évier de pierre, les pots aux secrets en dedans, la fleur de sel, je voudrais dire la petite cour et ses trésors de verdure, les murs qui accrochent le ciel, je pourrais vous les conter, mais je n'ai plus les mots, rien que cette ambiance douce et chaleureuse, cette maison de la rue qui penche, et mes détours, et mes pensées...

Mes ruelles intérieures...

(et quelques éléphants roses)



2 commentaires:

Anonyme a dit…

merci pour ton mail gentil. Tu as peut-être raison, peut-être qu'il ne faut pas se demander "a quoi bon les mots?", je ne sais pas. Mais tu sais je ne perds pas foi en les mots. Je les laisse venir pour l'instant, et c'est long!
merci, à bientôt

Anonyme a dit…

Je pense à tout arrêter, encore. On verra.